• Il entendit un rire. Un rire grave qui s’échappait par la fenêtre…

    Célime, de son prénom, se redressa péniblement, frottant sa tête tout endolorie. Il ne se souvenait pas s’être endormi sur un plancher douloureux. Il n’était encore jamais tombé du lit. Même si, comme disait l’adage, il faut une première fois à tout.

    Il regarda l’endroit où il se trouvait : Une haute fenêtre était la seule source de clarté. La lumière diffuse de la lune se propageait dans la pièce. Elle permettait de voir les murs décrépis qui donnaient l’impression qu’ils s’effriteraient si on les touchait. Ils étaient tous gris, parsemés de taches noires ou encore blanches par endroit, là où du papier peint avait été arraché. L’adolescent put remarquer le haut plafond soutenu par quelques misérables poutres.

    Le rire retentit encore, bientôt suivi par le bruit caractéristique d’une tronçonneuse qu’on démarre.

    Célime se tendit en entendant cela. Il se serait cru dans l’un de ces films d’horreurs qu’il affectionnait tant. Lui qui aurait pu regarder sans arrêt ce genre de vidéos sentait tout à coup des sueurs froides. Là, ça ne lui plaisait absolument pas !

    Il regarda encore une fois autour de lui. Il put alors voir quatre personnes également allongées sur le sol poussiéreux.

    Il y avait tout d’abord un homme à la peau caramel, aux cheveux bruns crépus qui fixait les environs de ses yeux noirs. Il était particulièrement sur ses gardes, la respiration courte.

    Un grand musclé aux courts cheveux bruns et aux yeux bleus ne se tenait pas loin de l’homme de couleur. Il se leva péniblement et inspecta la pièce, l’air décidé.

    Il y avait également un blondinet qui venait de sortir de l’adolescence. Il était rondouillet et portait de petites lunettes crasseuses sur son nez. On ne voyait dès lors pas ses yeux verts.

    La dernière personne qu’il restait était une rousse voluptueuse avec de pétillants yeux d’un vert profond. Malheureusement, ils étaient dénaturés par la peur.

    Elle poussa un cri lorsque le bruit de la tronçonneuse se fit encore entendre.

    - Qu’est-ce qu’on fait ? hurla-t-elle, paniquée.

    L’homme décidé fit la moue puis il vint serrer la jeune femme contre lui, souriant d’un air séducteur.

    - Ne t’inquiète pas. Regarde ! Il y a une porte.

    Il désigna l’huis qui était en effet présent bien que dans un état déplorable. Il donnait l’impression de pouvoir tomber de ses gonds au moindre souffle d’air.

    L’homme décidé caressa les cheveux de la jeune femme tout en regardant ses compagnons de mésaventures. Ils avaient tous l’air paniqués et dans de bien piteuses conditions. Mais ils n’avaient qu’une lumière pâle et incertaine pour voir plus loin que le bout de leur nez.

    Et pour tout bruit de fonds le hululement effrayant des chouettes et hiboux ainsi que ce bruit terrifiant de tronçonneuse.

    - Je suis Anthony ! se présenta l’homme qui enlaçait toujours la jeune femme.

    - Moi, Lola, sourit la demoiselle.

    - Michael, chuchota l’homme à la peau caramel.

    - Jean-Michel…

    Les regards se tournèrent vers Célime qui était resté silencieux. Celui-ci bafouilla son prénom, les joues un peu rougies. Il ne se sentait vraiment pas rassuré. Il retrouvait vraiment l’ambiance austère de ses films fétiches.

    - Sortons, décréta Anthony.

    Il serra Lola contre lui tout en ouvrant la porte. Les autres le suivirent immédiatement. Célime déglutit difficilement puis s’obligea à leur emboîter le pas. Il ne voulait pas rester seul. En plus, s’il n’avait pas tort, il serait livré à lui-même, sans arme.

    Ils avancèrent un moment dans les dédales sombres de ce qui semblait être un manoir. On pouvait voir des toiles d’araignées un peu partout, de la poussière qui stagnait ci et là ou encore des peintures qui tombaient en lambeaux.

    - C’est effrayant, glapit Lola.

    - Je sais, je sais… je suis là, assura Anthony.

    Célime se frotta la nuque. Il revenait sur ses pensées d’un peu plus tôt. Il se voyait d’avantage dans un nanar d’horreur que dans un vrai film horrifique.

    Ils arrivèrent devant des escaliers. Célime regarda partout autour de lui, paniqué.

    Il avait une sensation désagréable et soudaine.

    Est-ce que ça allait se passer comme dans les pires histoires ?

    - On devrait se séparer ! décréta Anthony d’un air décidé.

    Malheureusement, oui.                         

    - C’est pas une bonne idée, avança Célime.

    - Pourquoi pas ? Il faudrait voir ce qu’on pourrait trouver à l’étage et dans le rez-de-chaussée ! répliqua Anthony.

    Il gonfla les muscles, bombant le torse. Il montrait de la sorte qu’il était celui qui prendrait dorénavant toutes les décisions.

    - Ne devrait-on pas plutôt trouver la sortie ? La porte est certainement au rez-de-chaussée.

    - C’est vrai ! Vous trois vous allez à gauche, décréta-t-il en désignant les trois garçons. Et nous à droite.

    Célime se passa la main sur le visage. C’était encore pire que ce qu’il pensait !

    Pourquoi se borner à vouloir se séparer dans une telle situation ? Quoique le regard qu’il lançait à Lola depuis un moment lui laissait comprendre le « pourquoi » de cette décision. Il eut une moue écœurée.

    C’était à lui de choisir à présent. Soit une probabilité de mort certaine soit devoir supporter de l’effusion de sexe.

    Il se tourna vers Michael et Jean-Michel, se maudissant pour ses actes.

    Anthony retourna alors sur ses pas avec Lola. Célime s’obligea à continuer de marcher en suivant les deux autres. Il cherchait fréquemment autour de lui après une arme de fortune.

    Le bruit de tronçonneuse était de plus en plus présent. Oppressant.

    Il ne leur fallut que cinq minutes pour trouver la porte. Célime eut un sourire rassuré. Peut-être qu’il avait imaginé inutilement le pire. Son frère lui répétait toujours qu’il regardait bien trop de films d’horreur.

    Le bruit de tronçonneuse s’arrêta.

    Michael ouvrit la porte, un air soulagé sur le visage. Jean-Michel souriait de toutes ses dents.

    Célime voulut en faire de même mais il se figea en voyant du sang être projeté partout, suivit bientôt du bras de Michael dont le propriétaire hurlait toujours plus fort.

    Un autre cri le suivit.

    Le torse du jeune homme venait d’être ouvert sans pitié, sang et boyaux étaient impitoyablement expédiés de toutes parts.

    Célime put voir un « pourquoi » marqué dan les yeux de Michael alors qu’un gargouillis infâme sortait de ses lèvres.

    Jean-Michel gémissait, tremblant. Il avait de l’hémoglobine sur le visage, ses lunettes se voyant encore plus crasseuses qu’elles ne l’étaient déjà. Rassemblant tout son courage avec grande peine, Célime se saisit du poignet de son compagnon d’infortune. Il tira dessus et l’obligea à suivre son rythme.

    Ils repartirent en courant vers l’endroit où devaient être Lola et Anthony. Jean-Michel ahanait derrière lui, forcé de suivre un rythme trop rapide pour lui.

    - Q… que… que… fait… fait… fait-on ? bégaya Jean-Michel.

    - On va rejoindre Lola et Anthony ! C’est tout ce qu’il nous reste à faire !

    Il essaya de sourire à l’adolescent mais il ne parvint qu’à lui offrir un rictus triste.

    Le bruit de tronçonneuse s’était arrêté.

    Il savait toutefois que ce n’était que temporaire. C’était ce qui l’effrayait le plus. Il ne savait pas combien de temps de répit ils auraient.

    Il continua alors de courir traînant derrière lui son fardeau. Il n’était même plus sûr de pouvoir le nommé autrement.

    S’il avait raison…

    Il priait pour avoir tort ! C’était probablement la première fois de sa vie qu’il le souhaitait !

    Jean-Michel et lui crièrent d’une même voix lorsque le bruit de tronçonneuse se fit entendre.

    Trop proche.

    Il dut soutenir le corps de son compagnon d’infortune pour qu’il ne tombe pas au sol. Malheureusement, il lui échappa et son poids les entraîna vers le parquet poussiéreux.

    Un bruit sourd se rapprocha. Le moteur vrombissant de cette épouvantable tronçonneuse. Jean-Michel sanglotait juste à côté de lui. Il marmonnait sans cesse des misérables « pitié ». Célime voulut lui frotter le dos pour le rassurer mais une silhouette s’approcha. Imposante.

    Devant eux se tenait un homme, couvert de sang, avec un masque pour cacher son visage. Il s’agissait d’un ornement en forme de corbeau, avec le bec déformé et des cassures ci et là.

    Célime se redressa et essaya d’aider son camarade. Celui-ci se contentait de sangloter, n’essayant même plus de se lever. Il était bien trop engourdi par la peur.

    Le bruit continuait de retentir à leurs oreilles, toujours plus inquiétant. La lame tournoyante se rapprochait. L’homme masqué n’était plus qu’à quelques centimètres.

    Célime ferma les yeux deux fractions de secondes. Il relâcha le corps de Jean-Michel puis s’enfuit en courant.

    Derrière lui, il entendait le bruit écœurant de la chair sectionné.

    Il entendait le rire grave. Il entendait les cris d’agonies de Jean-Michel. Il essayait de ne pas pleurer. Pas maintenant.

    - Lola ! Anthony ! cria Célime.

    Il lança un regard par-dessus son épaule.

    Le carrelage s’imbibait de sang. Le tueur ne se préoccupait plus que de sa victime qu’il maintenait en vie pour l’entendre souffrir plus longtemps.

    Célime porta sa main à sa bouche, essayant de se retenir de vomir. Cette réaction était presqu’ironique. Ici il se sentait mal mais lorsqu’il le regardait à la télévision, il trouvait ça hilarant. Ça ressemblait presque à la vengeance de l’univers.

    Il n’était pas dans un poste télévisé. Il subissait ce qui l’avait fait rire pendant six ans. Temps depuis qu’il avait commencé à regarder des films d’horreur en douce.

    Célime percuta violemment quelqu’un.

    Il sentit une main sur son épaule et il hurla.

    Se tournant vivement, il put voir Anthony. Tremblant, il tomba à genoux. Lola regarda autour d’eux. Le bruit caractéristique de la tronçonneuse recommençait à se rapprocher. Le cœur de Célime tambourina dans sa poitrine. Maintenant, il savait qu’ils n’avaient que peu de répit. C’était encore pire que dans n’importe qu’elle comédie horrifique.

    - Il… Il faut qu’on trouve… comment sortir… puis appeler la police… chuchota Célime, tremblant.

    - Ouais, faisons ça, grogna Anthony.

    Il montrait, encore une fois, qu’il voulait reprendre les choses en main. Il se dirigea vers un bout de poutre qui s’était détaché. Il s’en saisit et le tapa dans sa paume ouverte pour le tester. Il ne put que grogner lorsqu’une écharde y resta plantée. Il la retira et la jeta sur le sol.

    - Allez, on s’arrache ! décréta-t-il.

    Il se remit en marche, sans se soucier de Lola ou de Célime. La jeune fille eut la douceur d’aider son cadet à se redresser. Il la remercia muettement. Il aurait peut-être pu mettre des mots sur ses pensées si elle n’avait pas hurlé dans ses tympans la seconde d’après.

    Il regarda derrière lui pour voir que le tueur se rapprochait.

    Son rire gras s’élevait dans les couloirs, se répercutant ci et là.

    Tout cela était encore plus effrayant. Son cœur battait bien trop fort dans sa poitrine. Il allait faire un arrêt cardiaque rien qu’en regardant la tronçonneuse.

    Lola le poussa dans le dos. Il comprit le message et se remit à courir.

    - Anthony ! héla le garçon.

    L’homme tourna la tête. Il se figea en voyant le tueur se rapprocher. Il se mit alors à courir, même s’il était le seul armé. Il n’allait pas se leurrer. Il avait des muscles, certes, mais il était seulement équipé d’une poutre.

    - Quel enfoiré ! siffla Lola.

    En temps normal, Célime aurait tâché de lui offrir un sourire réconfortant. Ici, il se contentait de courir sans faire attention à ce qu’il y avait sur leur chemin.

    Ça ne manqua pas : Lola trébucha et elle tomba sur le sol. Un craquement sonore retentit dans le couloir alors que la jeune femme sanglotait. Elle serra sa main sur sa cheville qui formait un angle inquiétant.

    - Elle est…

    Lola tendit la main vers Célime.

    Le tueur se rapprochait, son rire emplissant toujours l’air.

    - Anthony ! cria Célime.

    Il attrapa Lola et il la souleva péniblement. Il passa son bras, à elle, autour de ses épaules. Il se remit alors à marcher le plus vite possible. Mais sa camarade claudiquait difficilement.

    Elle les freinait !

    Et l’homme qui se rapprochait toujours plus dans ce vacarme assourdissant !

    Lola poussa un cri. Célime eut juste le temps de tourner la tête pour voir le tueur attraper la jeune femme par les cheveux. Il la tira en arrière et la jeta au sol. Il leva sa tronçonneuse bien haut.

    Le garçon n’attendit pas de voir la lame retomber qu’il se mit à courir. Il chercha par où Anthony avait bien pu s’enfuir. Il jetait de fréquents regards en arrière. Seul, les lieux avaient l’air encore plus austère. Il avait l’impression de geler sur place mais c’était peut-être uniquement dû au froid.

    Il se figea en voyant du sang sur le sol. Avait-il déjà fait le tour du bâtiment ? Était-ce le corps de Michael ? Devait-il monter les escaliers à présent ?

    Quelque chose roula jusqu’à ses pieds.

    Il sursauta.

    Une tête !

    Il regarda autour de lui et remarqua un corps penché à la fenêtre.

    S’avançant, il distingua le sang qui avait éclaté sur la vitre. Il réalisa alors que le corps n’était absolument pas « penché à la fenêtre ». La personne avait essayé de sortir mais sa tête avait été sectionnée !

    Ce n’était pas pour rien que ce genre de fenêtre était appelée « fenêtre à guillotine ».

    Célime se rendit alors compte qu’il avait déjà vu ce t-shirt quelque part. Il tourna la tête pour fixer le crâne démembré. Il tomba au sol en hurlant lorsqu’il vit distinctement le visage d’Anthony !

    Le bruit assourdissant recommença à se faire entendre.

    Célime recula dans l’hémoglobine, se tâchant. Il ne cherchait même plus à se lever. Il n’était pas dans un film, il jouait sa vie en cet instant précis. Le problème étant qu’il ne savait pas comment la préserver.

    Il était là, sanglotant comme un enfant.

    Il recula encore, jusqu’à ce qu’il soit dans un coin. Il se recroquevilla, espérant vainement que ça puisse le sauver.

    Le bruit se rapprocha bientôt accompagné de ce rire qui le mortifiait sur place.

    Bientôt, l’homme fut sur lui.

    Il arracha son masque difforme de corbeau et le laissa tomber sur le sol.

    Cling.

    Le bruit de la porcelaine se fracassant sur le sol et se réduisant en morceau. Bruit qui força Célime à rouvrir les yeux et à lever la tête. Il put alors voir le visage de celui qui voulait le tuer…

    Son grand-frère.

     

    Célime se redressa en sursaut, haletant. Hagard, il redressa la tête pour croiser les prunelles bleues très claires de son grand-frère. Il affichait un grand sourire. Il lui désigna la télévision où se déroulait une scène emplie de poitrine exubérante parsemée d’hémoglobine à foison.

    - Tu ne devrais pas t’endormir quand tu mets des choses pareilles.

    - M’endormir…

    Il sursauta en entendant le bruit de la tronçonneuse suivit de cri. Il tourna la tête mais ne put retenir un soupir rassuré en voyant que ce n’était que dans la télévision. Voilà qui était préférable.

    - Crois-moi je ne le ferais plus !

    - Tu vas finir par faire des cauchemars…

    Célime rit péniblement. Un cauchemar, il en avait fait un. Et pas un petit.

    Il se leva du divan et posa un baiser sur la joue de son grand-frère avant de sortir dans le couloir.

    Il n’y fit pas attention, mais depuis peu, dans le couloir, il y avait un masque en porcelaine. Un masque représentant un corbeau affreusement difforme…


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  • Chapitre 15 : Innommable.

     

                Itzal revint de l’école ramener par les Ivanov comme bien souvent. Lorsqu’il poussa la porte, il ne vit pas Vladimir alors que l’homme essayait toujours d’être là dès son retour pour lui parler avidement et s’assurer « qu’il n’était pas blessé ».

                Le garçonnet grimpa alors dans sa chambre et il s’installa à son bureau et sortit ses devoirs. Il était ravi de comprendre cette matière. C’était donc avec plaisir qu’il sortait ses affaires. Il sourit en voyant le petit nez de Patates sortir de sa maison. Il ouvrit la cage et caressa le petit animal avant de se mettre au travail. Ivan lui avait toujours dit que bien faire ses devoirs apportaient de beaux points et que ça faisait plaisir aux parents.

                Puisque Vladimir était à présent son parent, il supposait que ça le rendrait heureux. Lui qui était toujours si froid et triste.

     

                Quelques heures plus tard, une bonne odeur de cassoulet se souleva dans la maison. Affamés, l’enfant posa ses affaires pour se lever. Il avait presque fini ses devoirs et il ne restait qu’un point final à mettre. Ce qu’il pourrait aisément faire après le repas qui lui faisait grandement envie.

                Ainsi, descendit-il dans la salle à manger où l’attendait le repas.

                Vladimir se tourna vers lui, les yeux injectés de sang.

    - Où étais-tu ?! Cracha-t-il en venant vers lui.

    - Je faisais mes devoirs en haut. Vous n’étiez pas là à mon retour d l’école alors je suis monté… vous êtes rentré depuis longtemps ? Sourit l’enfant.

                Mais sa question ne suscita qu’un regard encore plus haineux qu’auparavant. Il se sentit tout à coup misérable et il baissa la tête, tristement.

    - Tu aurais dû rester en bas !

    - Mais Ivan dit que les devoirs c’est important…

    - Cet abruti ! Il ne peut pas se contenter d’un enfant ?! Il faut qu’il essaie de me piquer le mien ! Non… Non… Il a compris… c’est forcément ça… Il a dû comprendre qu’il était la panacée… c’est cela… Cet immonde…

                Le garçonnet baissa tristement la tête, tout inquiet. Il parlait bien sûr de son ami et non du père de ce dernier. Mais il était vrai que ce n’était pas toujours chose aisée de se faire comprendre quand les deux possédaient le même nom. Surtout que c’était une pratique peu courante dans son monde où il n’était pas coutume d’appeler son enfant en rapport à quelqu’un qu’on avait connu. Ça évitait alors les prénoms similaires au sein d’une famille, même si ça pouvait arriver.

                Vladimir alla vers le foyer, ornemental, pour prendre son fusil qui, lui, ne l’était pas. L’odeur de cassoulet s’était muée en un fumet atroce où les saucisses brûlées s’unissaient avec les flageolets. Les fragrances âcres faisaient tourner la tête du garçonnet qui ouvrit des yeux surpris en voyant son tuteur se saisir de cette arme.

                Il avait vu, pas plus tard qu’aujourd’hui, ce qu’était cette chose dans son cours d’histoire.

    - C’est… c’est pour tuer ça… qui voulez-vous tuer ?

    - Petit nigaud. Répondit Vladimir.

    - Qui allez-vous…

    - Ça suffit ! Ce ne sont pas des questions d’enfants ! Retourne dans ta chambre vu que tu y es si bien !

                Le garçonnet renifla et partit vers les escaliers alors qu’il entendait son tuteur bougonner et maugréer des insultes.

    - Cet Ivan va crever et me payer  tout ça…

                Itzal se figea le premier pied sur la marche.

    - Non !

    - La ferme ! Je t’ai dit de monter !

    - Laissez Ivan en paix !

    - Non ! Cet abruti va arrêter de se mêler de tout ! Il se croit intéressant parce qu’il est astronaute et sa femme aussi ? Et son crétin de gosse est si studieux !

                Il se passa la main sur le menton.

    - Je devrais peut-être me débarrasser d’eux tous… s’il y a des témoins ce n’est pas bon…

    - Laissez Ivan ! Cria Itzal, désireux de protéger son ami.

                Vladimir fronça les sourcils, rendant ses yeux injectés de sang encore plus inquiétant.

                Il s’avança vers son pupille qu’il attrapa par le col de son vêtement.

    - Tu veux te rebeller ? Siffla-t-il.

    - Lâchez-moi…

    - Mais voyons, voit le bon côté des choses, quand je te mets une raclée je m’occupe pas de ces abrutis d’Ivanov ! Enfin… tu as bien de la chance que j’ai besoin de toi. Ajouta-t-il en le laissant tomber sur le sol.

    - Vous êtes méchant…

    - Tu parles comme un enfant.

    - Je suis un enfant. Répondit Itzal.

    - Tu n’es pas un enfant ! Tu es un alien ! Un monstre ! Un médicament universel ! Croire que tu pourrais avoir des sentiments est stupide ! Maintenant dans ta chambre ! Et tu verras que je me comporterais avec toi comme il le faut !

                Il repartit vers la porte en grommelant des insultes à l’égard d’Ivan. Itzal larda un regard acide sur le dos de Vladimir.

                Le joyau rouge qui ornait son front commença lentement à perdre son éclat.

                Vladimir porta sa main à sa gorge, ayant tout à coup l’impression de l’avoir lourde et de ne plus savoir respirer. Ses bronches se remplirent ensuite de liquide et il cracha tout ce qu’il pouvait. Du sang sortit de sa gorge, tachant ses habits blancs. Il sentit un malaise et ses jambes vacillèrent alors que son cœur s’emballait. Sa tension augmenta de plus en plus.

                Et, aussi soudainement qu’il avait commencé à se sentir mal, il s’effondra. Les yeux grands ouverts. Le corps arrêtant de monter et descendre signe qu’il ne respirait plus. Seul un filet de sang sortait de ses lèvres tuméfiées.

                Itzal le fixa un moment avant de sentir, soudainement, que l’air ne rentrait plus dans ses poumons. Le joyau maintenant rouge presque noir, ses orbes orange-or s’écarquillant. Il avait déjà sentit cette sensation de suffoquer une fois. Lorsqu’il avait goûté à l’air terrien pour la première fois.

    - Maman… Gémit-il.

     

    - Monsieur le Président. S’écria quelqu’un.

                Gleb agita la main en sa direction avant de se tourner vers son premier Ministre.

    - A-t-on des nouvelles de ce petit Itzal, l’alien ? Je n’en ai plus depuis que je l’ai vu.

    - Son tuteur refuse de donner des nouvelles… La femme Ivanov qui l’a accompagné dans cette expédition dit qu’il est complètement fou. Son fils est ami avec l’alien. Expliqua-t-il.

    - Oui, j’en avais entendu parler.

                Il se tourna vers le quelqu’un qui l’avait appelé. Il se saisit du stylobille qu’il lui tendait, lu rapidement ce qu’il lui montrait puis signa.

    - Allons leur rendre une petite visite.

    - Bien, Président.

                Ils partirent alors vers la limousine présidentielle. Un chauffeur s’empressa de venir leur ouvrir et il referma derrière eux. La voiture s’ébranla alors et partit en direction de la maison de Vladimir.

     

                Lorsqu’ils arrivèrent, le chauffeur s’empressa de venir ouvrir à son Président. Il s’inclina profondément et afficha un large sourire. Gleb inclina légèrement la tête pour le remercier. Il se rendit ensuite vers la porte et sonna. Il attendit qu’on lui réponde tandis que son premier Ministre arrivait.

    - Il ne répond pas ? Fait-il le sourd ?

    - Je ne crois pas… Il n’est pas assez stupide pour ça… Chuchota le Président en fronçant les sourcils.

                Il sonna encore à la porte. Le Premier Ministre lança un coup d’œil par la fenêtre. Il se figea.

    - Le garçon ! Il est au bas des escaliers ! Il a l’air mal en point !

    - Appelez une ambulance ! S’écria Gleb.

                Il envoya son pied dans la porte qui craqua. Il frappa encore et le montant tomba mais il ne s’aplatit pas au sol. Le Président rentra dans la demeure et il vit alors Vladimir, mort. Il ne débattit pas sur le fait que c’était bien ou un mal et il se précipita vers l’enfant qui inspira subitement de l’air. Il leva lentement les yeux et il vit le grand renne, tiré d’un célèbre film de Walt Disney, sur son t-shirt.

    - M… Monsieur… Articula péniblement Itzal, la bouche pâteuse.

    - Tout va bien se passer… l’ambulance arrive. Que t’est-il arrivé ?

                Itzal secoua lentement la tête. Le Premier Ministre rentra dans la demeure avec le conducteur. Le garçonnet se sentit encore mieux et le joyau à son front commença à s’illuminer très lentement. L’alien porta sa main à sa gorge, soulager de mieux savoir respirer.

    - Qu’allons-nous faire vis-à-vis de l’enfant ? Chuchota le Premier Ministre, horrifié en regardant le cadavre de Vladimir.

    - Je… Je vais en prendre la responsabilité. Décida Gleb.

    - Monsieur… Monsieur, je peux… je peux toujours voir Ivan et aller à l’école… hein ? Gémit-il.

    - Oui, tu pourras… Ah ! L’ambulance arrive ! Dit-il en entendant les sirènes.

                Il fit signe à son premier Ministre de bouger la porte ce qu’il fit tant bien que mal. Les brancardiers purent alors venir se saisir du petit extra-terrestre avec un mélange de crainte et d’envie.

                Gleb les accompagna pour rentrer dans l’ambulance avec l’enfant. Il ne pouvait le laisser seul, livré à lui-même, ainsi.


     


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  • Chapitre 16 : Le vaccin.

     

                Nikolaï courait vers Gleb Krylov, le regard avide, le souffle court. Il s’arrêta à côté du Président qui inclina doucement la tête vers lui. Il se détourna de la fenêtre où Itzal jouait à la balançoire, Patates dans une main. Il riait, les joues rosies et l’étrange talisman sur son front à nouveau rouge pétillant.

    - Président !

    - Nikolaï Aleksandrovitch.

    - Monsieur, je suis ici pour reprendre le flambeau de mon prédécesseur, Vladimir.

    - D’une autre façon, j’espère ! Ce qu’il a fait au petit Itzal est inconcevable.

                L’homme opina vivement. Son souffle était tout à coup bien plus court et es lèvres étaient sèches. Il craignait ce que pouvait faire un homme aussi influent que le Président en personne.

    - J’ai ses travaux, Président… Je sais ce qu’il envisageait de faire… Il se trouve qu’Itzal est particulier. Il a en lui un antidote universel qui peut guérir tous les maux, Président. Il peut devenir un médicament pour tout le monde. Nous pouvons devenir riches !

                Gleb regarda vers le garçonnet et il secoua la tête.

    - Je ne tiens pas à ce qu’il soit blessé.

    - Je ne nécessiterais qu’une petite prise de sang pour commencer. Il faut que j’apprenne à isoler le gêne-antidote. Je vous en prie, Président. Il en va de l’avenir de l’humanité.

                Gleb soupira lentement et il ouvrit la fenêtre. Des rafales d’airs s’engouffrèrent, faisant bouger sa veste et montrant le sempiternel même t-shirt du renne Sven. Il fallait vraiment qu’on emmène ses affaires professionnelles au lavomatique qu’il cesse d’être la risée de ses pairs.

    - Itzal ? Tu serais d’accord pour qu’on te fasse une prise de sang ?

                Le garçon arrêta la balançoire et courut vers lui. Il se mit sur la pointe des pieds et appuya ses coudes sur l’appuie de fenêtre.

    - D’accord !

                Gleb sourit en lui caressant les cheveux.

                Nikolaï sourit avec envie. Il allait pouvoir reprendre les pas de son prédecesseur.


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  • Écrit le 11 décembre 2014

    Ça de Stephen king

    Ça fait environ 1 an que je regarde et que je lis des films et des livres d’horreur pour préparer un personnage fan du genre. C’est tout naturellement, après avoir vu le film et une longue discussion avec mon Escargot [lien de son blog ici] que je me suis intéressée au livre.

    Peut-être une des pires erreurs de ma vie. Il m’a fallut un peu plus de quatre mois pour finaliser cette lecture de deux volumes en un seul et de 1100 pages en tout et pour tout.

    Quatre mois de calvaire inimaginable…

     

    Au début, Stephen King nous présente sept personnages. Bill, le bègue. Eddie, l’asthmatique toujours malade. Ben, l’enfant enrobé. Beverly, la fille. Mike, l’homme de couleur. Stan, le juif. Et Richie, l’enfant qui n’a aucun talent mais croit en avoir. Avec un tel tableau, il est très aisé de s’identifier à l’un des personnages et à pouvoir pleinement vivre l’histoire. En particulier quand le thème du livre est la peur profonde. Prendre le livre en main et se dire « Et moi, que ferais-je en regardant Ça ? Affronterais-je ma peur ? » est gratifiant en soi et nous donne la sensation de vraiment pouvoir plonger à corps perdu dans l’ouvrage.

     

    Par soucis de simplicité, je vais décliner les sept personnages en un point individuel pour chacun.

    -          À première vue, Bill est un enfant et A fortiori un personnage banal. Il a un tic, le bégaiement, qui l’handicape grandement et, lorsqu’il est adulte, il a une calvitie notable. Mais tous ses défauts ne sont en fait qu’un cache-misère. On croit voir un héros normal auquel on peut s’identifier mais on se trouve face à un égocentrique, égoïste à qui tout réussi. Son frère meurt « par sa faute » et il passe toute sa vie à essayer de le ramener et à se croire meilleur que les autres, comme lorsqu’il prend des cours pour devenir auteur et pense que ces professeurs sont moins bons que lui et qu’il a le droit de faire comme il veut.  Là encore, d’une expérience de vie misérable, il devient un auteur célèbre, marié à une très belle femme et qui a presque tous les droits sur les scénarios des films. Il s’affiche même comme étant le leader indiscutable, c’est le cas de le dire. Dès qu’il dit un mot, on le met sur un piédestal et on ne discute pas ce qu’il dit. Comme s’il était un Dieu. Il se révèle même comme un véritable enfoiré, lorsqu’il décide de coucher avec Beverly sous l’immonde prétexte que « de toute façon sa femme n’est pas dans le même pays ». En somme, un personnage plaisant sur le dessus mais imbuvable sous la fine couche douce.

    -          Eddie est un personnage beaucoup plus plaisant. Il est équilibré dans ses problèmes de santés. Il était névrotique lorsqu’il était jeune, à cause de sa mère, et il l’est toujours lorsqu’il est adulte. Il prend des médicaments à foison, il s’enlise dans des problèmes tout seul et c’est ce qui le rend si réel. Malheureusement, comme les autres personnages, il finit par se dégrader. Premièrement en obtenant le « don » de ne jamais se perdre quoi qu’il se passe et sans aucune explication (information jetée presqu’à la fin du livre par ailleurs) ensuite vis-à-vis de son comportement avec sa mère. Soudainement, il commence à agir avec lui comme s’il était l’adulte et qu’elle n’avait pas son mot à dire. Ce qui, pour un enfant est, à mes yeux, inadmissible et qui n’a, toujours à mes yeux, aucun intérêt.

    -          Ben est peut-être un des personnages les mieux construits du groupe des gentils (ridiculement nommé par eux-mêmes « les ratés »). C’est un enfant qui a du surpoids, s’il est intelligent et soigneux, il a tout le temps des problèmes avec autrui. Ses talents d’architecte dans son enfance lui servent directement pour sa vie adulte ce qui développe une continuité normale. Si je lui reproche sa façon d’agir avec son professeur de sport (ce qui entraînera une perte de poids normale et bien expliquée) c’est un personnage aimant et qui pense toujours à autrui avant lui-même. Au point qu’on lui souhaite de pouvoir sortir avec Beverly et d’être heureux.

    -          Beverly est certainement le personnage que j’aime le moins. D’abord attractive parce qu’elle semble se détacher de clichés par son côté un peu « garçon manqué » elle devient vite pire qu’un cliché. Elle agit comme le stéréotype de la fille et c’est tout. Elle veut être protégée, elle offre son corps à qui le veut et prétend qu’elle agit pour l’amour, elle ne pense qu’à ses frasques sexuelles. Bref, l’égérie rêvée de la femme pour un homme. Ses rares actions qui la sortent de clichés ne réussissent pas à l’extirper de cette sensation immonde qu’on a devant nos yeux le fantasme brut de Stephen King. Beverly est présentée, même à l’âge de 12 ans, comme un sex-symbol. Son père veut coucher avec elle (même si ce n’est pas dit tel quel, on le sent bien), ses camarades de classes veulent coucher avec elle, tout le monde veut coucher avec elle. C’est la plus belle femme au monde et tout le monde le reconnaît. C’est autant dégradant pour le personnage en lui-même, qui n’essaie que peu de se défaire de ces clichés, que pour la gente féminine.

    -          Mike n’est pas un personnage qui se démarque réellement. On a réellement conscience de lui pour la partie « adulte » où il doit rassembler tout le monde et lors des intermèdes qu’il présente. Mis à part ça, le personnage n’a que peu de substance. Il n’agit pas non plus beaucoup et n’a pas beaucoup de présence dans le livre. À tel point que l’on se demande s’il n’était tout simplement pas là pour le quota de personne de couleur (un peu comme dans les séries anglaises). Personnellement, je pense que son rôle aurait pu être confié au personnage de Stan à qui il aurait fait beaucoup de bien. Les deux personnalités se seraient fondues l’une dans l’autre sans problème et Stephen King ne se serait pas embêté de deux personnages insignifiants qui alourdissent seulement quelques passages.

    -          Stan, justement, est dépeint comme une personne bien sur elle, passionné d’oiseau et très sage. Il n’a d’ailleurs pas plus de personnalité que ça. Il agit à peine, il reste dans l’ombre et Stephen King le tue d’une façon qui, en fin de compte, ne colle pas avec le personnage. Stan est le premier à faire la promesse qu’ils reviendront pour tuer Ça en faisant le pacte du sang, à cet instant précis il se révèle comme fort et déterminé, bien qu’hésitant. Mais vingt-sept ans plus tard, c’est lui qui meurt. Son rôle se réduit donc à de la politesse et de la lâcheté. Rien de plus.

    -          Richie est un personnage assez agaçant dans sa façon d’agir bien que j’aie tout de même apprécié son envie de faire des voix. De ce fait, il se démarque vraiment des autres personnages, comme dans la vraie vie. À l’instar de Mike et Stan, je trouve que comparé à Bill, Ben et Beverly (et un peu Eddie), il ne se démarque pas vraiment mais il est tout de même assez bien construit et à ses moments forts. Que je le comprenne ou pas, il a une vraie place notable dans le groupe des sept amis et il permet de débloquer beaucoup de scènes et de situations. Malheureusement, pour moi, ce personnage reste l’effigie d’un égoïste qui se croit meilleur que les autres et qui attire inutilement l’attention sur lui.

    Vous l’aurez compris, je n’apprécie pas particulièrement les personnages. Mais ce que j’apprécie encore moins dans ces personnages c’est leur relation. Ils ont une pseudo-amitié qui ne se résume qu’à ce nom. Stephen  King a voulu qu’ils aient l’amour vache ou qu’ils soient capable de se taquiner l’un l’autre. En soit, l’idée n’était pas mauvaise. Mais ce qu’il en ressort, à la lecture, est que les personnages passent leur temps à s’insulter. Là où la situation devrait être comique ne me laissait qu’un sentiment de malaise et l’impression que, dans leur fort intérieur, tous les personnages se détestaient sans le dire. Les moments de pures camaraderies sont rares, ils se prennent souvent la tête ou ponctuent leur phrase d’insultes ou de propos odieux. Comment pourrait-on penser à une réelle amitié en de tels cas ?

    Ce que je déplore par-dessus tout, c’est que les gentils sont fades, insipides ou tout simplement imbuvables. Mais ce n’est pas un problème de Stephen King (à moins qu’il les ait pensé ainsi et alors je le félicite grandement) parce que les personnages de Henry et de Ça sont tout simplement parfait. L’un et l’autre sont capables de vraiment montrer leurs sentiments. Ça prouve bien sa peur face à la mort alors que Henry est capable de faire des excuses à ses proches. Tous deux n’ont que des rôles infimes et pourtant leurs ambitions et leur caractère est bien mieux dépeints que les héros qui ont pourtant eu le temps d’être développés et travaillés au rythme que le souhaite Stephen King.

     

    La façon dont Stephen King décide d’aborder le thème me déplaît particulièrement. En effet, il est rare qu’il nous offre l’histoire avec une temporalité décente. Je n’ai rien contre le fait qu’il sépare en 1958 et en 1984 mais plutôt du fait qu’il ait décidé de faire un million de flash back. Encore un ou deux flash back agréables par personnage aurait pu plaire. Malheureusement, Stephen  King use déjà de flash back de leur forme adulte pour les projeter dans le passé mais même dans le passé, il fait des retours en arrière sur retour en arrière. Pire encore, ils n’ont que peu d’utilité surtout dans certains cas où les évènements pourraient parfaitement être traités dans l’ordre. De plus, certains retours en arrière, jetés au milieu d’une narration, nous perd complètement sur le récit en lui-même.

    Ce même problème se retrouve dans la dernière partie (si on ne compte pas l’intermède et l’épilogue) où pour un effet de style, qui aurait pu être intéressant, les phrases sont coupées au milieu. Si l’idée est intéressante, ça ne nous laisse qu’une sensation de vol. Une partie de l’histoire nous est tout simplement arrachée. Si la compréhension reste bonne, j’ai ressenti une sensation de coupure brutale à chaque fois qui me donnait envie de lâcher le livre.

    Le dernier problème notable de la narration en elle-même est, pour moi, les problèmes de temps. Dans certains moments, il écrit au présent la partie adulte pour écrire le passé… au passé. Puis il fait l’inverse, ce qui est des plus troublants. J’ai déjà eu l’impression que dans une même page l’histoire passait du présent au passé sans raison. Manque d’attention ou faute du traducteur me direz-vous ? Possible. Mais ça n’enlève pas que ce passage au passé et au présent (dans les passages réellement pensés ainsi) sont assez perturbant.

     

    À mon humble avis, l’horreur dans Ça met infiniment trop de temps à se mettre en place. Si l’attente se contente d’être longue au début, les passages d’horreurs sont de plus en plus long au début, le temps que chacun des personnages ait vu son pire cauchemar. Ce qui est intéressant en soit est en fait très long, en particulier quand il se passe absolument rien durant tous les moments où on attend au moins un peu d’horreur et de palpitation.

    Malheureusement, je trouve que les passages d’horreurs en eux-mêmes sont fades. Certains passages sont bien écœurant ou relativement gore mais pas saisissant qui nous font entrer dans l’effroi, tout du contraire.

    J’ai assez aimé les passages où les enfants voient des choses, comme du sang, mais pas les adultes. Si c’est assez lent et peu angoissant, l’idée donne beaucoup de profondeur au personnage de Ça et fait un rappel immédiat à la substance même du livre.

     

    Malheureusement, un des autres problèmes notables est qu’il y a des incohérences ou des choses non-expliquées. Par exemple, rien n’explique pourquoi réciter une phrase de diction ou avec une autre voix peut blesser Ça. Pire que cette explication qui n’est pas donnée et qui donne une sensation d’incompréhension et de brouillard, il y a le fait que des éléments sont soudainement jeté dans l’histoire comme s’ils avaient toujours été là alors que non. Comme si Stephen King avait eu l’idée en cours de route et n’avait pas pris la peine de l’ajouter avant (à l’instar des « bip-bip » à Richie qui ne sont jamais utilisés avant qu’on en parle mais qui deviennent tout à coup si courant après). Certaines incohérences, plus que notables se font même dans la même page ! Comme lorsque Beverly couche avec les six garçons et qu’il est dit que c’est la voix et la parole qui resserrera leur lien. Alors pourquoi les faire coucher ensemble alors qu’ils n’ont que douze ans ?!

    On en décèle encore d’autre. Lorsqu’on apprend que Ça est une femelle, que les héros parlent de Ça en elle mais que la narration se borne inutilement à parler d’elle en « lui » ce qui apporte même une désagréable sensation de flou.

     

    Pour en revenir au cas de Beverly, c’est un problème des plus importants pour moi. Parce que Stephen King ne se contente pas de soulever la pédophilie à ce moment-là, elle est constante dans le livre. Elle en est même dérangeante. Il ne s’agit pas d’un seul adulte qui a des pensées malsaines vers des enfants (bien qu’il y en ait bien un) mais de toute une ville, tout un univers, qui semble être plongé dans le syndrome de la pédophilie. Tom, le mari de Beverly, pense d’ailleurs que Beverly est très sexy car elle ressemble à une fillette. Un tel besoin de pousser la pédophilie en avant, en ce cas-là, ne sert absolument pas l’histoire. Au contraire, ça fait passer Stephen King pour un pervers sexuel qui a de graves problèmes.

    D’autant plus parce qu’il parle de sexe à tire larigot sans qu’on en ait besoin. Non, nous n’avons pas besoin de savoir à quoi ressemble le sexe de Stan. Non, nous n’avons pas besoin de savoir que ça fait « bander Bill » (pour reprendre les mots de Stephen King) de faire du vélo. Pas plus que ça nous intéresse de voir Beverly coucher avec Bill (et comme par hasard, elle a deux orgasmes à la suite. Ce qui est très normal me direz-vous) alors que ça n’a aucune utilité propre. Non, nous ne voulons pas voir des enfants se faire des choses. Bref, Stephen King semble assimiler horreur à sexe comme tant d’autre alors que ça ne fait que rendre plus lourd un roman qui n’en a nullement besoin. Ni au début, ni au milieu et encore moins à la fin.

     

    Le livre de Stephen King « Ça » nous apprend à battre nos peurs et à faire équipe pour faire face au danger. Il nous apprend le courage et à continuer de rêver, même adulte. Et si j’approuve ces messages, je trouve qu’ils passent très mal. Les idées de Stephen King ne sont pas mauvaises, au contraire, avoir fait de Ça, Grippe-sou un clown est même des plus ingénieux. Faire quelque chose basé sur l’imagination pure est une idée excellente en soi. Et faire deux fois les choses en les mêlant était des plus excellents. Mais toutes ces bonnes idées sont noyées sous des incartades, de l’inutilité et une narration bien trop longue. Pire, il a même copié-collé certains passages du passé pour le mettre dans le présent, ce qui donne l’impression que même lui n’en avait rien à faire de son roman.

    Une bonne idée, du potentiel… mais à mes yeux un échec flagrant et l’une des pire lecture qui m’ait été données de faire.

     


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  • Écrit le 30/01/2015

    Robert Galbraith nous offre  les aventures de Cormoran Strike. Et quelle aventure !

    On est un peu perdu, au début, entre la secrétaire Robin, les histoires de cœur et d’argent de Cormoran et cette jambe mystérieuse qui lui manque. Mais bien vite, au fil de l’enquête, on apprend plus de chose sur notre cher héros. Si, par moment, j’ai trouvé qu’on était trop coupé du fil policier du livre pour trop se préoccupé de Cormoran, je dois reconnaître que puisqu’une suite arrive, ce n’est pas de refus. On saura alors bien plus de chose sur lui pour les livres à venir et j’espère qu’ils seront nombreux !

    J’ai apprécié la façon dont l’enquête est doucement menée, petit à petit, en découvrant des personnages même pour quelques pages trop rares. On peut bien vite aimer ou détester un personnage. Être ravi de ne plus le voir ou s’en languir. Avec un brio divin, Robert Galbraith ficèle tous les personnages ensemble (une chose que j’affectionne particulièrement). Tony Landry qui ne semble être qu’un ami des deux sœurs révèle bien plus de chose alors qu’on découvre, malgré sa mort, toute la personne de Lula Landry.

    Je ne déplore qu’une seule chose : La secrétaire Robin. Elle m’a fait l’impression d’une tique avide d’être sur les feux de la rampe. Avide d’obtenir ce qu’elle peut n’avoir et qui boude dès qu’elle ne l’obtient pas. Chacun des passages avec elle m’a hérissé le poil mais, heureusement, Cormoran et le style doux de Robert Galbraith ont relevé tout ça.

    Il me tarde de pouvoir découvrir sa prochaine histoire.

     


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