• Chapitre 5 : Je le ferais… et toi ?

     

                Jean-Marc était dans sa douche, réfléchissant à tout ce qui pouvait bien lui passer en tête. Son cerveau sautait d’une idée à l’autre sans qu’il n’y prête vraiment attention. La salle de bain avait toujours été, à son sens, le meilleur endroit pour réfléchir. D’aucun corroborait cette idée lorsqu’il entendait parler des lieux où les gens cogitaient le plus.

                Il ferma l’arrivée d’eau, sortit sur son tapis de bain et commença à se sécher.

    - Alors ?

    - Sullyvanne !!! Ne vient pas dans la salle de bain quand je me lave !! Cria Jean-Marc, le cœur battant la chamade.

                Il s’empressa de mettre une serviette autour de ses hanches.

    - J’suis dans ta tête… je peux difficilement faire autre chose, tu sais. Nargua-t-elle. Mais de toute façon, je ne veux pas voir « ça ». Berk ! Commenta-t-elle.

    - Que veux-tu ? Encore ? S’agaça Jean-Marc.

    - Tu pourrais être plus gentil. Je veux seulement t’aider, tu sais ?

    - M’aider en quoi ?

                Il se sécha les cheveux avec une autre serviette puis essuya son corps sans retirer celle autour de ses hanches. Il semblait vraiment croire que Sullyvanne pouvait regarder son anatomie si elle le voulait.

                Mais comme elle l’avait souligné, encore fallait-il qu’elle le veuille, justement.

    - À écrire la suite.

    - Nous en avons déjà parlé… Dit Jean-Marc en enfilant son caleçon. Il n’y a pas de suite.

    - Jouons à un jeu. Dit Sullyvanne.

    - Bien, bien… peut-être que tu me laisseras tranquille après.

                Il entendit la voix dans sa tête chantonner. Presque cruelle. Il l’ignora, ôta la serviette et s’habilla rapidement.

                Il se rendit dans la cuisine pour se préparer une tasse de thé rouge puis prit son petit distributeur de nicotine. Avec une personne aussi énervante que Sullyvanne, il en aurait grandement besoin.

                Il tira une longue bouffée avant de regarder la fenêtre se couvrir de buée. Attendant que sa création ne prenne la parole.

    - Alors ? Demanda-t-il, lassé d’attendre.

    - Ah oui ! Bien… on va prendre petit à petit les éléments de ton histoire et voir si ça va coller…

    - Coller à quoi ?

    - À moi !

                Jean-Marc se passa la main sur le visage. Qu’est-ce qu’elle racontait encore ? Bien sûr que ça lui correspondrait puisqu’il avait écrit cette histoire et qu’il avait tout amené pour que ça arrive à ce point.

                Il ne pouvait pas admettre qu’il ait raté quoi que ce soit dans quelque chose qu’il avait créé de toute pièce. Le monde. Les personnages. Tout venait de lui. Ainsi, tout ce qu’il y avait fait était forcément bon.

                Bien que le terme « cohérent » aurait probablement été mieux.

    - Bien… à la fin de l’histoire, qu’est-ce que tu penses qui va arriver ?

    - Tu utilises ta magie noire pour ouvrir la Porte des Mondes et retourner dans le tien. Evidemment. Tu retrouves tes parents, pas une seule seconde ne s’est passé, ils ne se rendent pas compte de ton absence et…

    - Et, au court de l’histoire, tu expliques que le temps ne s’écoule pas de la même façon mais que je sais que déjà quelques heures vont s’écouler. Je m’inquiète pour ma mère. C’est d’ailleurs la première fois qu’on en parle dans ton histoire… Rectifia Sullyvanne. Encore heureux que je suis là pour te le rappeler.

    - Merci… Bien, ta mère s’est rendue compte de ton absence et ne croit qu’à une vulgaire fugue.

                Il entendit un léger soupir. Il tira sur sa fausse cigarette, s’envoyant une dose doucereuse de nicotine dans les poumons.

    - Mais… tuuuuuut ! Fit-elle avec une voix de buzzer digne des jeux télévisés.

                Jean-Marc n’eut qu’un léger sourire face à cette pitrerie.

    - Non. Ma mère peut penser à une fugue, oui. Mais parce que je ne reviendrais pas.

    - J’ai dit que…

    - Mais moi, je n’en ai pas envie ! Je veux rester dans ce monde. Il y a là des amis que je perdrais, moi qui n’en ai pas un seul dans la « vraie vie ». Pourquoi je reviendrais ?

    - Pour tes parents ! Sourit Jean-Marc.

    - Je suis une adolescente de quinze ans. D’accord j’aime mes parents mais c’est tout ce qui me rattache à la vraie vie. Il y a Llan… Le peuple d’Efrem-Suti… les gens que j’ai rencontré… ceux que j’aime profondément… et les pouvoirs ! Je ne suis qu’une adolescente ! Bien sûr que je veux garder mes pouvoirs !

    - Soit… imaginons que tu veuilles rester là-bas… Et bien, ça fera une fin ouverte et le lecteur choisira ce qui lui convient le mieux.

                Jean-Marc versa l’eau chaude dans sa tasse lorsque la bouilloire électrique fit un « tac » caractéristique. Il remua un peu sa cuillère dans le breuvage brûlant.

    - Tu penses vraiment que tu peux faire ça ? Alors qu’il y a ma mère.

    - Ta mère ? Que veux-tu que j’en fasse… on dit qu’elle t’aime, qu’elle est protectrice. Très bien. Mais après quoi ? Ah oui… on mentionne qu’elle se fait une manucure une seule fois l’année, avant le repas anniversaire avec ton père. Un passage inutile que j’ai supprimé dans la version finale d’ailleurs. Dit l’homme en jetant un sucre dans le thé.

    - Un détail qui montrait que ma mère aimait mon père. Releva Sullyvanne. Mais voilà le problème… tu trouves ma mère inintéressante… Mais Shona, ma mère, a plein de potentiel ! Puisque maman est protectrice, elle fera tout pour me retrouver ! Si je tarde, ‘man deviendra un personnage très intéressant ! Tu peux faire beaucoup avec elle si tu voulais le voir ! Et… d’ailleurs ! Tu as laissé beaucoup de personnage de côté ! Pesta-t-elle.

                Jean-Marc commençait à être lassé de ce petit jeu. Lassé que sa création lui crie dessus de la sorte. Il retira sa boule à thé de la tasse pour la vider puis la mettre à lavé. Il but alors une grande gorgée, laissant Sullyvanne passer de nombreux personnages.

                Il était à la moitié du breuvage lorsqu’il entendit un nom qui retint son attention.

    - Qui ?

                Sullyvanne rit nerveusement.

    - Njall ! Tu ne te souviens pas de lui ? Dans les premiers chapitres ! C’est lui qui a fait de moi une vraie Efrem-sutienne ! Il m’a protégée et à été aspergé de napalm… tu avais trouvé ça très intéressant.

    - Ah… mais lui, il ne sert qu’à ça… puis, il est à l’hôpital…

    - Pas intéressant, à tes yeux ?

    - Absolument pas.

    - Et pourtant, il l’est plus que tu le crois. Répondit Sullyvanne, tranchante. Tu as commencé à créer son histoire… il a comblé les trous… Il est devenu quelqu’un. De très important ! Certifia-t-elle.

    - C’est un personnage défiguré… il fera tâche dans un roman. Les personnages doivent être beaux. Expliqua Jean-Marc.

    - Njall est très intéressant. Continua la voix dans sa tête. Et rien ne t’oblige à faire des personnages beaux qui ont toutes leurs capacités physiques.

    - J’ai dit que je ne ferais rien. L’histoire est parfaite ainsi. Je ne veux plus en parler ! Décréta Jean-Marc.

    - Bien, bien…

                L’homme soupira en terminant de boire. Voilà qui serait mieux si la demoiselle acceptait d’arrêter de l’embêter. Si elle pouvait sortir de sa tête, ce serait encore mieux.

    - Je serais ton pire cauchemar… Souffla Sullyvanne.


    votre commentaire
  • Chapitre 6 : Faustine Sautifen.

     

                Faustine Sautifen, vingt-six ans, enseignante de profession, écrivain de vocation. Née le 11 Juin 1988 à Huy. Elle grandit péniblement à Amay, petite ville de campagne. Elle étudia à Huy jusqu’à ce qu’elle soit acceptée à l’université de Liège. C’est là qu’elle accomplit, avec fruit, ses études de biologie. Elle fit quelques années professorales à Namur, désireuse de fuir Huy.

                Elle s’installa à Malonne, coquette petite ville où elle se sentait bien. Elle ne devait faire que quarante minutes de route quotidienne pour pouvoir travailler dans l’école de Jambes où elle travaillait assidûment. Pour elle n’existait que son travail et sa passion. Elle ne sortait que rarement de chez elle.

                Ce qui lui fallait tous les quolibets de ses voisins.

                Heureusement, elle s’en moquait.

                Faustine aimait : Ecrire sur son ordinateur avec une tasse de café, voir la beauté des orages et le bruit que faisait la musique dans ses oreilles. Par contre, elle n’aimait pas : le bruit des marches qui craquent lorsqu’on les grimpe, les chaudes journées de printemps et ce silence alambiqué entre deux morceaux de musiques.

                La jeune femme était dans la salle des professeurs, à son bureau. Elle ne se mêlait pas aux autres professeurs, n’appréciant pas ces sentiments forcés. Elle ne les connaissait et n’était pas sûr de le vouloir. Eux-mêmes n’en avaient rien à faire l’un de l’autre.

                C’était juste agréable d’avoir des personnes qui étaient prêt à écouter vos explications et votre vie morose en faisant semblant qu’ils aimaient ça. Juste par pure politesse.

                Elle ratura encore une fois une réponse d’un de ses élèves. Elle n’en avait pas encore trouvé un seul qui avait trouvé la bonne réponse à « que transporte les globules rouges ». C’était pourtant si facile. Mais elle ne pouvait mettre que, au mieux, des demi-points pour une réponse à moitié complète.

                Elle se passa la main dans les cheveux avant de boire nerveusement à sa tasse de café. Elle était bien trop petite, bue en seulement six gorgées. Mais elle était obligée d’avouer que ce n’était pas un mal puisque ce breuvage était particulièrement imbuvable.

                Une adolescente s’approcha d’elle. Longues jambes gracieuses enfermées dans des collants psychédéliques, taille fine et svelte, hanches et poitrines inexistantes mais un visage particulièrement délicat. Sa peau d’une pâleur satinée était couverte de vêtements roses, fins, délicats. Elle avait tout ce qu’on retrouvait chez les mannequins. Le sourire en plus. Dotée de yeux d’un vert pomme séduisant, elle possédait également une très longue chevelure blonde platine qui semblait presque blanche.

    - Tu continues de faire ça ?

                Elle fit discrètement signe à la personne de s’éloigner, prise dans ses corrections. La voix de cette adolescente gracieuse était presque masculine.

    - Je m’ennuie, tu sais… on pourrait travailler.

    - Pas aujourd’hui. Chuchota Faustine. Je suis vraiment occupée là.

    - Bien.

                Elle s’assit sur le bureau avant de regarder vers la porte, agitant ses jambes comme une enfant.

    - Oh ! C’est lui !

                Faustine releva la tête. Elle vit alors rentrer Jean-Marc, l’air particulièrement agacé. L’adolescente sauta au sol et vint jusqu’au professeur de français. Elle lui tourna autour en souriant. L’homme avançait sans la voir. L’enseignante serra même les dents lorsque Jean-Marc… traversa littéralement la jeune femme.

    - Argh… je déteste quand on fait ça. Surtout que je vois pas à travers leurs vêtements…

                Faustine se passa la main sur le visage puis revint à ses corrections. Si elle ne passait pas pour une folle en hélant une chose qui ne vivait que dans son imagination, elle lui aurait demandé de venir la rejoindre et de se préoccuper des fleurs qui fanaient sur son bureau.

    - Il est d’humeur ronchonne aujourd’hui… pourquoi tu viens pas lui remonter le moral ?

    - Cet homme m’insupporte. Pensa Faustine d’un ton venimeux.

                Elle savait que sa création, sa confidente, sa seule amie, l’entendrait. L’adolescente sautilla autour de Jean-Marc une dernière fois avant de revenir vers Faustine, souriante. Elle s’assit sur le bureau puis se mit en tailleur.

    - Matthias… combien de fois devrais-je te faire remarquer qu’une fille ne s’installe pas de la sorte.

    - Ah !

                La jeune fille gracieuse, qui s’avérait être un homme, remit ses cheveux en ordre d’un geste délicat avant de s’asseoir d’une façon bien plus féminine.

    - Comme ça ?

                Faustine opina faiblement. Elle tendit la main pour prendre son stylobille rouge. Mais, à cet instant précis, une main passa contre la sienne. Elle sentit un choc statique particulièrement désagréable. Elle leva les yeux pour voir que c’était Jean-Marc qui l’avait touchée.

                Elle siffla en tirant sa main en arrière. L’homme eut un sourire sarcastique.

    - Je n’ai plus rouge, je voulais emprunter le votre, mademoiselle Sautifen.

                Faustine le sentait presque dédaigneux alors qu’il soufflait ses mots. Elle relâcha pourtant le rouge dans elle avait besoin pour qu’il puisse le prendre. Elle le regarda s’éloigner, les bras ballants.

    - Mais tu en as besoin de ce truc ! Tu vas pas lui laisser ! Protesta Matthias.

                Il marcha jusqu’à Jean-Marc et essaya de récupéra le stylobille. Mais son corps n’existait que dans l’esprit de sa créatrice. Elle n’était même pas sûre que ce n’était pas elle qui contrôlait cette apparition si gracieuse, si peu masculine. Elle aurait voulu pouvoir se lever, avoir la force de Matthias, récupéré ce qui était à elle.

                Au lieu de quoi, elle réarrangea les pétales de la pâquerette qui perdait un à un ses pétales.

    - Rend. Ça. Cria le travesti.

    - Matthias. Soupira mentalement Faustine.

                Une décharge désagréable la parcourut entièrement. Elle vit Jean-Marc frémir avant qu’il ne pousse un cri. Il montrait quelque chose que personne ne pouvait voir. L’enseignante fronça les sourcils.

                Il y avait bien une personne qui pouvait voir ce qu’il montrait.

    - D’où vient cette fille ?!

                Il désignait quelque chose, le doigt tremblant. Elle entendait les commentaires désobligeant de sa création.

    - Il me pelote, non ? C’est bon signe, ou bien ? Demanda le travesti vers Faustine.

                Jean-Marc poussa un autre cri, récupérant sa main. Tous les regards étaient rivés vers lui, comme s’il était fou.

    - Je vous jure… il y a cette fille ! Juste devant mon bureau.

    - … Pas une fille… Matthias…


    votre commentaire
  • Hi mes angelots !!

    Les miroirs ne mentent pas Vous pouvez trouver "les miroirs ne mentent pas" à quatre endroits précis !

     

     

    Sur thebookedition

    • Format papier (que je vous conseille vivement) à 16,99 € + frais de port.
    • Format PDF à 9,00 €

    > ICI <

     

     

    Sur lulu.com

    • Format papier à 16,99€ + frais de port

    > <

     

     

     

    Sur bookelis

    • Format papier à 16,99€ + frais de port (un peu plus cher que chez les autres)
    • Format PDF à 9,00 €

    PAR ICI <

     

    Les quinze premières pages au format A5 y sont disponibles (la coupure est par conséquent un peu violente...)

     

     

    Ou chez moi

    • En format papier à 16,99 € + frais de port (sauf si vous venez jusque chez moi alors ce sera + frais d’essence/transport)

     

    Un extrait est à présent disponible sur le site =3 > PAR LÀ <

     

     

    Les miroirs ne mentent pas


    votre commentaire
  • Chapitre 7 : Dans le placard.

     

                Jean-Marc avait la bouche pâteuse. Il se serait certainement attardé sur la beauté folle de cet être devant lui si elle, car il était persuadé que c’était une fille, n’était pas apparue devant lui de nulle part.

                Voyant qu’elle tirait ostensiblement sur le feutre rouge, et que personne ne venait le sauver de cette mystique apparition, il le lâcha. Un gémissement triste sortit des lèvres de la manifestation. Elle se pencha pour essayer de le récupérer en vain. Elle se tourna alors vers sa collègue Faustine.

    - Ça ne marche pas… faut que tu viennes le chercher ici.

                Jean-Marc regarda vers la professeur de Biologie. C’était à elle que l’apparition s’adressait.

                Faustine récupéra ses affaires avant de se diriger vers la porte.

    - Mais ton rouge ! Protesta la manifestation.

                Elle courut à la suite de la femme. Le bruit de ses talons retentit aux oreilles de Jean-Marc, ce qui lui rappelait que ce bruit l’agaçait profondément. Il pinça les lèvres puis sortit à son tour. Il ne prit même pas la peine de s’excuser auprès de ses collègues. De toute façon, il n’aimait pas le regard surpris qu’il reçoive.

                Il ne doutait pas que tous ses collègues le prenaient pour un fou. Ils pouvaient bien ! Il n’en avait que faire.

                Il accéléra le pas, ouvrit une porte, attrapa le poignet de Faustine et l’attira dans le placard à balais. L’enseignante poussa un cri surpris. Elle se trouva contre le mur. Elle entendit le cri de Mathias avant qu’il ne rentre dans le placard, traversant la porte.

    - C’est un kidnapping ! Intervint Sullyvanne.

    - Oh… Dirent Faustine et Mathias d’une même voix.

    - Qu’est-ce que c’est ? Demanda l’homme en désignant le travesti.

    - Tout ce que tu veux mon chéri. Sourit-« elle » en passant ses bras autour de son cou.

                Jean-Marc sursauta, surpris de cette proximité soudaine. Certes, c’était une jolie créature mais elle était bien trop jeune ! Et puis… ils se connaissaient à peine. Il se disait que ce n’était « pas bien ».

                Il tendit les mains pour « la » repousser, alors qu’il entendait clairement Sullyvanne ricaner dans ses oreilles.

    - Mathias… il te voit et t’entends.

    - Iiiiiiiik ! Cria le travesti avant de s’éloigner, se collant au coin du placard.

    - Ma… thias ?

    - C’est un garçon. Dit Faustine en désignant sa création.

    - Trop fort ! Il est encore plus féminin que comme tu m’as faites « papa ». Railla Sullyvanne.

    - Je veux savoir ce qu’il se passe ici. Exigea Jean-Marc la bouche pâteuse.

    - C’est bizarre de parler dans un placard, vous savez ?

    - Merci, vous m’apprenez des choses, encore heureux que vous êtes une enseignante si chevronnée.

    - Pardon Jean-Marc Narine. Fit sa collègue en appuyant sur le mot.

                L’homme s’agaça de ce pseudo-calembour. Déjà qu’il détestait qu’on le fasse lorsque ce n’était pas fait exprès mais quand c’était voulu, ça l’énervait d’autant plus.

    - Narean !

    - Si vous voulez vraiment partir, nous nous retrouverons à la cantine.

                Sa main contourna le corps gracile de sa création avant qu’elle n’ouvre la porte. Elle sortit alors du placard, suivie par l’apparition qui trottinait à sa suite dans cet agaçant bruit de talons.

    - C’était trop cool ! Sourit Sullyvanne.

                Jean-Marc se passa la main sur le visage. Il n’arrivait pas à comprendre tout ce qu’il se passait. Entre sa création qui l’asticotait à longueur de temps et s’évertuait à lui parler aux moments les moins opportuns et l’apparition de Mathias. Un homme. Il eut un reniflement agacé en pensant qu’il avait trouvé un homme « beau » !

                Il sortit également de la petite pièce qu’il ferma derrière lui. Il s’assura que personne ne l’avait remarqué, n’ayant pas besoin de passer d’autant plus pour un fou. Il soupira longuement en voyant qu’il était bien seul. Tant mieux.

                Il partit vers sa salle de cours, essayant de faire fi de la voix de Sullyvanne qui résonnait à son oreille. Elle lui racontait mille et une histoires sur ce que pourrais être cette suite de livre qu’il refusait farouchement.

     

                La pause de midi arriva trop lentement au goût de Jean-Marc. Il était particulièrement difficile de donner ses cours quand une certaine personne parlait quoi qu’on dise. Il ne pouvait s’empêcher de plaindre Faustine. Lui ne faisait qu’entendre sa détestable création !

    - Détestable toi-même ! Non mais je te jure !

                Il l’entendit grommeler. Si ce bruit était agaçant, au moins, elle ne parlait pas à voix haute, c’était déjà un mieux.

                Jean-Marc fit la queue dans la file afin de prendre sa nourriture. Il en profita pour chercher où était sa collègue. Il la trouva à une table à côté de filles qui lisaient des mangas d’un air très concentré. Il voyait Mathias accroupi près de ses demoiselles en question, essayant de lire les titres en questions. Il ouvrait de temps en temps la bouche, parlant certainement à sa créatrice.

                L’enseignant se demandait comment ses collègues prendraient cet étrange rapprochement. Si les adultes étaient moins mesquins que les adolescents, Faustine était quand même quelqu’un qu’on évitait. Elle ne regardait jamais les gens en face quand elle leur parlait, elle semblait ailleurs et elle avait ces boucles d’oreilles en forme de crâne. On aurait dit une étudiante !

                Jean-Marc trouvait que c’était un comportement honteux. Ils devaient être des modèles pour les enfants, pas les traîner dans des chemins boueux.

                Il remercia vaguement la cantinière qui lui servait une purée de patate liquide, un steak trop cuit et des petits pois surgelés. Il se rendit jusqu’à la table où était assise sa collègue. Il remarqua qu’elle avait une boîte à tartine et un thermos à côté d’elle. Elle était plongée dans la lecture de Anges et Démons de Dan Brown.

    - Re ! Sourit Mathias en venant s’asseoir à côté de Jean-Marc.

                L’homme remarqua que son corps rentrait à moitié dans la table. Voyant ce qu’il regardait, le travesti fit une moue.

    - Et oui… j’ai pas une taille de guêpe.

    - Je n’ai pas… Marmonna Jean-Marc. Mademoiselle Sautifen ?

                Faustine ferma son livre après avoir mis le signet. Elle leva le regard vers son collègue.

    - Oui ?

    - Qu’est-ce ? Demanda-t-il.

                Il désigna le plus discrètement possible Mathias.

    - Mathias Fitz, il a seize ans et il aime s’habiller en fille depuis tout petit. Pour parfaire cela, il est parfaitement androgyne. Ce n’était pas comme ça qu’il devait être au début mais il m’a tellement suppliée. Il n’a pas eu tord, c’est mieux pour son histoire. Expliqua Faustine.

    - Et pour mettre des jupes. Sourit Mathias en ajustant un des rubans roses de ses cheveux.

    - Haha ! Lança Sullyvanne d’un ton conquérant.

                Faustine eut un sourire.

    - Madame écoute ce que dit son « bébé » ! Madame, voulez-vous m’adoptez ?

    - Ne dit pas de sottise. S’agaça Jean-Marc.

                La femme sourit un peu plus à la remarque de Sullyvanne mais elle dissimula une moue lorsque l’homme lui répondit. Elle prit un sandwich au thon qu’elle croqua, détournant le regard.

                Jean-Marc rajusta ses lunettes avant de manger une bouchée de purée qu’il trouva infect.

    - À ce que je comprends, je ne suis pas le seul malheureux qui doit subir ce qu’il a créé.

    - Subir ? Me subir moi ?! S’énerva Sullyvanne.

    - Oui. Marmonna Jean-Marc.

                Autant sa conversation avec Faustine était peut-être bizarre mais avait le mérite de lui être adressée, autant il ne pouvait se permettre d’être si bruyant lorsqu’il s’adressait à la jeune femme.

    - Ce que je comprends moins… c’est comment cela ce fait que j’entende et voit votre création.

    - J’avoue que je ne le comprends pas non plus. J’ai toujours été la seule à pouvoir interagir avec Mathias. Ça lui a fait développer un étrange comportement.

    - Lui aussi veut vous faire faire une suite ?

                Le travesti éclata de rire.

    - Il n’y aura pas de suite pour moi. Murmura-t-il.

    - Nous corrigeons… C’est à la première correction qu’il est venu à moi… Grâce à lui, je suis passé de cinquante à cent-vingt pages.

    - Première correction… Répéta Jean-Marc en se frottant le nez.

                Il entendit clairement Sullyvanne soupirer.

    - Je vois… Il faudrait trouver pourquoi nous sommes forcés à discuter de la sorte.

                Faustine manqua de s’étouffer avec son dernier morceau de sandwich. Elle se servit du café brûlant et bu une longue rasade pour faire passer l’aliment traitre. Jean-Marc renifla, déranger par l’odeur forte de café. Il ne supportait pas cette odeur. Il préférait de loin la bonne fragrance du thé.

    - Monsieur Narine, rien ne vous oblige à rester à mes côtés. Je n’ai pas besoin de vous dans mon entourage, surtout que, comme vous le voyez, je ne suis pas seule.

    - Elle n’est jamais seule. Approuva Mathias en se levant.

    - Vous répondrez seul à vos questions.

                Faustine bu son café, reboucha le thermos puis récupéra livre et boîte à tartine. Enfin, elle put partir, le laissant derrière elle.

                Sullyvanne soupira.

    - Quoi encore ? Questionna mentalement l’homme.

    - Tu ne sais vraiment pas t’y prendre avec les femmes ! Moi qui espérait qu’elle m’aiderait à te faire céder !

    - Tu peux bien espérer, il n’y aucune chance que je fasse une suite. Quoi que tu dises, rien n’a à voir avec ce que j’ai écris.

    - Il faut que tu lisses entre les lignes de ce que tu as écrit. Tout ce que tu as fait à cause d’une force mystique. Tout ce que tu as fait sans savoir pourquoi. Tout ce qui n’avait pas d’explication logique.

    - Tu vas me dire que tu as guidé mes doigts ? Rit-il intérieurement.

    - Parfaitement !

    - C’est moi qui t’es créée ! Essaie de ne pas l’oublier !

    - … Il faut que je voie si je peux contacter Mathias seule…

    - Bonne chance. 

                Jean-Marc finit son plat puis vint rapporter la vaisselle aux cantinières. Il jeta toutefois un regard autour de lui. Il ne voyait plus Faustine. Son étrange collègue avait dû aller se terrer en quelconque lieu glauque et ne reviendrait que pour donner ses propres cours.


     


    votre commentaire
  • Chapitre 8 : Une réponse à sa question.

     

                Jean-Marc se maudit à la seconde même où il prit sa décision. Mais c’était la seule qui lui semblait acceptable. Il lança un regard vers Faustine. Si la femme l’ignora, il vit clairement Mathias lui faire un geste obscène. Il grogna face à cette impertinence. Il s’éloigna et se mit à sillonner les rues.

                Il marcha jusqu’à venir dans le centre-ville, là où il y avait tant et tant de boutique qui foisonnait. Là où on ne pouvait que trouver son bonheur.

                Il finit par le trouver. Il lança une œillade à droite, une à gauche. Un coup d’œil dégoûté à la plaque en or plaqué qui trônait sur la pierre puis il entra dans le bâtiment. Il empestait un mélange d’encens et de pot-pourri qui ne s’accordait absolument pas.

                Il s’assit sur des chaises d’un horrible rose. Il entendait la voix de Sullyvanne. Au moins, pour une fois, ils étaient d’accord. Elle trouvait l’endroit ignoble.

                Jean-Marc s’obligea à patienter jusqu’à ce qu’une petite porte s’ouvre derrière de grands rideaux d’un rose pâle immonde.

                Là se tenait une femme d’une trentaine d’année, de longs cheveux noirs retenus par un bandana blanc. Elle avait un châle sur les épaules. Elle portait une robe un peu bohème qui lui allait bien malgré son teint plus que pâlot qui avait un aspect irréel avec la lumière rose de la demeure.

    - De l’esbroufe, bien sûr.

    - « C’est une voyante, c’est limite un pléonasme ! ».

    - Sullyvanne !! Pensa vivement Jean-Marc, agacé.

                Il avait l’impression de devoir supporter le comportement d’une vulgaire adolescente de douze à treize ans.

    - Si on peut même plus s’amuser. Râla la demoiselle.

                Jean-Marc l’ignora et il suivit la femme à l’intérieur. Il y avait là un foyer à charbon qui venait d’être alimenter de telle sorte qu’il y avait une chaleur étouffante dans la pièce. Elle s’assit à sa chaise, un sourire aux lèvres.

    - Je suis Althaia Sextus.

    - Un faux nom si tu veux mon avis. Dit Sullyvanne.

    - Bonjour, Jean-Marc Narean. J’ai un problème depuis quelques temps.

                La femme lui fit signe de se taire pour se concentrer. Elle resta inerte un instant puis elle sourit.

    - Je vois votre problème.

    - Bien, je vous écoute. Sourit, cruellement, l’homme.

    - Votre aura est perturbée, quelque chose vous dérange. Quelque chose de récent.

    - Bravo… j’entends une voix depuis un moment.

                Il n’avait pas le temps de jouer avec la femme qui l’agaçait déjà.

    - Elle vient d’une personne qui serait à priori l’héroïne de mon dernier roman.

    - Romancier. Sourit Althaia. Il se trouve que j’ai déjà entendu cela. C’est un phénomène de symbiose. Ça arrive à la plupart des auteurs. Nous ignorons ce qui provoque cela. Mais c’est une bonne chose.

    - Sauf quand elle est aussi agaçante que cela ! Elle veut absolument que je continue une histoire déjà finie ! Et elle parle à longueur de temps !

    - Il faut que vous poussiez la symbiose au maximum. Expliqua la voyante. Vous verrez que tout deviendra bien mieux lorsque vous saurez faire attention à votre personnage. Puisque vous l’avez créé, vous devriez savoir ce qui lui plaît.

    - Au contraire ! Elle n’agit pas comme je l’ai créée et elle est insupportable ! En plus que maintenant je dois supporter le « Mathias » de Faustine !

                Althaia ouvrit des yeux surpris avant de lui prendre les mains pour les regarder. Elle traça le sillon des lignes qui striait sa main. Jean-Marc frissonna : ça chatouillait.

    - Oui… votre vie vient de se lier à celle d’une autre personne.

    - Qu’est-ce que je dois faire ? Questionna Jean-Marc, agacé.

                Il ne s’entendait vraiment pas avec Faustine. Elle était trop bizarre, elle avait quelque chose qu’il n’appréciait vraiment pas. Et Mathias était d’autant plus étrange. Très agréable à l’œil mais c’était un garçon bon dieu !

                Il sentit une douleur à l’arrière de son crâne.

    - Pervers ! Siffla Sullyvanne.

                Il se frotta la tête. Avait-il sentit sa création le frapper ? Il vit la voyante qui lui offrait un sourire presque mystérieux.

    - Combien ? Demanda Jean-Marc en se levant.

    - Trois cent.

                L’homme s’étouffa avec sa salive alors que Sullyvanne éclatait de rire. Il sortit de l’argent de son portefeuille et le jeta sur la table.

    - C’est honteux ! Cria-t-il avant de s’en aller.

    - Merci, repassez au moindre souci.

                Jean-Marc pesta alors qu’il continuait de partir, horrifié de tout l’argent qu’on venait de lui dérober honteusement. Mais il était aussi troublé de cette douleur qui continuait de poindre sur sa tête.


    votre commentaire